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  • Photo du rédacteurLucien d'Arguel

On ne peut s'empêcher de penser à l'ancien château d'Arguel quand on contemple les hauteurs du site.

La comète d'or d'Arguel.

LA COMETE DU SIRE D’ARGUEL (Charles Thuriet, 1891)

Jacques d’Arguel, l’un des derniers possesseurs de la demeure féodale de ce nom, se rendit particulièrement célèbre par sa puissance et par la haine qu’il portait à ses voisins, les citoyens de la cité libre et impériale de Besançon. Il rançonnait de la manière la plus cruelle ceux des marchands de cette ville que leurs affaires forçaient à passer au pied de son château. À force de déprédations, il était venu à bout d’augmenter considérablement le trésor que lui avaient laissé ses ancêtres. Il appelait cela « allonger la queue de la comète d’Arguel ».

Enfin on résolut à Besançon à châtier ce brigand d’une manière exemplaire. En 1336, les citoyens et leur vicomte, Jean de Châlon, ayant déclaré la guerre à Eudes, duc de Bourgogne, et à tous ceux des seigneurs de la province qui avaient refusé d’embrasser leur parti, attaquèrent d’abord le château d’Arguel et, malgré la force de cette place et la vive résistance de ceux qui la défendaient, ils parvinrent à s’en emparer. Mais le sire d’Arguel et surtout sa précieuse comète, sur laquelle les assiégeants avaient compté pour se payer des frais de guerre, leur échappèrent. Dans leur dépit, les vainqueurs brûlèrent la forteresse. Quelques mois après, ils expièrent ce succès à la funeste journée de la Malecombe, où ils se firent massacrer au nombre de mille, pour empêcher l’ennemi de s’introduire dans leur cité. Depuis ce temps-là, bien des recherches furent faites pour découvrir la comète de Jacques d’Arguel ; mais jusqu’ici elles ont été à peu près inutiles.

La dernière, qui a eu lieu au commencement du XVIIIe siècle, avait pour auteur un paysan du village de Pugey. Cet homme, qui passait pour hardi, s’était fait accompagner de deux de ses amis et avait choisi, pour exécuter son dessein, la nuit de Noël. Il arriva au milieu des ruines du château, juste au moment où le diacre chantait à l’église la généalogie de Notre Seigneur. Ses compagnons eurent peur et l’abandonnèrent. Mais lui, sans se laisser décourager par cette défection et soutenu par l’espoir de s’enrichir s’il découvrait la comète, pénétra dans le souterrain et se dirigea vers une petite lueur qui lui apparaissait dans le lointain. Arrivé devant une porte de fer, il y frappa trois coups. La porte lui fut ouverte par un page richement vêtu. Il entra d’abord dans un vestibule, puis dans une grande salle, où une quantité de cavaliers et de dames se réjouissaient et faisaient bonne chère. Comme notre homme était là debout et les regardait, le président du banquet, qui était Jacques d’Arguel lui-même, lui fit signe de s’asseoir au bout de la table, où on lui servit à boire et à manger. A la fin du repas, quand les cavaliers et les dames quittèrent la table pour le bal, le page qui avait reçu le villageois le conduisit dans une salle brillante où se trouvait la fameuse comète. Cette prétendue comète avait deux escarboucles en guise d’yeux ; des rayons de diamants formaient sa chevelure, et sa queue se composait de toutes sortes de pierreries. Le paysan était ébloui. Cependant, le page puisa avec ses mains dans la gueule de la comète, aussi étincelante qu’une fournaise, et en retira, à plusieurs reprises, plus de mille pièces d’or, qu’il étala devant son compagnon en lui faisant signe de remplir ses poches.

Quand le paysan eut obéi, le page le conduisit dans la salle à manger et le pauvre homme faillit mourir d’effroi en voyant des esprits si brillants et si fiers qu’il avait quittés dans la joie, chargés de chaînes rouges, se débattre dans un fleuve de feu et de poix bouillante. Arrivé à la porte du château plus mort que vif, ce fut à peine s’il entendit la recommandation du page, qui, tout en l’invitant à profiter de ce qu’il avait vu, ajoutait que, s’il tenait à ne point abréger son existence, il se gardât bien de révéler quoi que ce fût de ce qui venait de se passer devant lui.

Le paysan s’en retourna encore tout tremblant dans son logis en emportant son or, qui lui servit à acheter de beaux champs et de bonnes vignes, que ses héritiers possèdent encore aujourd’hui. Pendant bien des années, notre homme conserva le secret qui lui avait été si expressément recommandé ; mais en devenant vieux, il se mit à causer de choses et d’autres, si bien qu’un soir, se trouvant à table avec ses amis, il lui arriva de raconter ce qu’on vient de lire ; et au moment même où il achevait son récit, la mort le frappa subitement, à la grande surprise de ceux qui l’écoutaient.

Quand je me promène vers le château, je rêve comme beaucoup, à cette comète d'or.





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